Éditorial

Les enjeux énergétiques jouent constamment un rôle crucial dans le discours public canadien, influencé par l’interaction fluide qui subsiste entre les attentes du public, les développements technologiques, les marchés en évolution, la politique publique et les politiciens. Les articles du présent numéro de la Publication trimestrielle sur la réglementation de l’énergie abordent des aspects particuliers de cette dynamique, notamment la conservation de l’énergie, l’énergie renouvelable, les changements touchant le marché du gaz naturel entre le Canada et les États-Unis et la consolidation des entreprises de distribution locales (EDL) en Ontario dans le but de réaliser des économies importantes.

Dans son article intitulé « Le passé, le présent et l’avenir de la conservation de l’énergie en Ontario », Peter Love résume les éléments importants des efforts de conservation actuels et passés en Ontario. Après quoi, en s’appuyant sur ce contexte, il suggère les développements les plus essentiels à la réalisation du plein potentiel de conservation en Ontario.

L’article de Jack Gibbons, « Priorité à la conservation de l’énergie : En théorie et en pratique », complémente l’article de M.Love. L’article se penche sur la politique de Priorité à la conservation du gouvernement de l’Ontario promulgué en décembre 2013 en ce qui a trait au gaz naturel et l’électricité. M. Gibbons décrit la politique comme étant « révolutionnaire et remplie de bon sens », alléguant toutefois que la Commission de l’énergie de l’Ontario met en œuvre des politiques qui mineront la mise en œuvre de la politique de Priorité à la conservation en ce qui concerne le gaz naturel et l’électricité.

Bien entendu, les facteurs sous-jacents aux politiques énergétiques ne sont pas uniques à l’Amérique du Nord. L’article « La réforme de la loi sur les énergies renouvelables en Allemagne », de Ralf Theater et Silke Goldberg, s’attarde sur la méthode récemment adoptée et utilisée pour promouvoir l’énergie renouvelable au sein de la plus grande économie de l’Union européenne. En Amérique du Nord, l’expérience allemande constitue une norme de référence et cette dernière présente un intérêt particulier pour les nombreux marchés d’électricité canadiens qui entament un changement important.

Au cours des dernières années, les changements importants dans la structure du marché du gaz en Amérique du Nord ont donné lieu à l’adoption répandue de la technologie du « fractionnement » afin d’avoir accès à de vastes dépôts de gaz de schiste. L’article d’André Plourde intitulé « Évolution des conceptions du rôle du gaz naturel canadien aux États-Unis » présente un examen empirique de ces changements. M. Plourde arrive à la conclusion que le rôle changeant du gaz naturel canadien dans les marchés américains peut créer de nouvelles opportunités de marché pour le Canada. Il conclut en formulant quelques observations sur les enjeux réglementaires et stratégiques susceptibles d’en découler.

L’article de Duncan Melville intitulé « Améliorer l’infrastructure énergétique de l’Ontario : Réduire le côut des EDL » porte sur le potentiel de restructuration du marché de l’électricité ontarien. L’auteur conclut que « des économies de coût annuelles importantes pourraient être réalisées grâce à la consolidation des plus petites EDL ». Il conseille de résister à une privatisation directe et suggère plutôt que des concessionnaires privés exploitent des EDL, offrant ainsi une « solution convenable aux obstacles actuels à la consolidation ». Il recommande que le gouvernement demande à la Commission de l’énergie de l’Ontario d’étudier la possibilité de créer des sociétés de distribution régionales et d’offrir leur gestion à des exploitants du secteur privé.

De son côté, Jason Yamashita, dans son article intitulé « Quand les entreprises de service publics traitent avec les Freemen-on-the-Land et d’autres groupes invoquant des ‘ arguments commerciaux pseudo-juridiques organisées ’ », ne traite pas directement des enjeux stratégiques et de réglementation en matière d’énergie, il aborde le véritable problème auquel doivent faire face certaines entreprises de services publics. M. Yamashita examine une décision importante de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta dans laquelle la cour étiquette un certain groupe de « plaideurs quérulents » comme « plaideurs organisés d’arguments commerciaux pseudo-juridiques » (Organized Pseudolegal Commercial Argument litigants (ou plaideurs OPCA). Il suggère de quelle façon les entreprises de services publics pourraient mieux composer avec les plaideurs OPCA afin d’atténuer les risques et les coûts connexes.

Dans la section Commentaires de cas de ce numéro de l’ERQ, Nigel Bankes passe en revue de nombreux litiges juridiques concernant les procédures de révision du projet Northern Gateway, l’expansion proposée du pipeline TransMountain, le renversement et l’expansion de la canalisation 9 d’Enbridge et le projet d’Énergie Est. Par le passé, outre quelques situations exceptionnelles comme la proposition originale du pipeline de la vallée Mackenzie dans les années 1970, l’examen réglementaire des nouveaux projets d’infrastructure énergétique se déroule sans grande controverse. À titre d’exemple, les pipelines de pétrole Norman Wells et Express et les pipelines de gaz naturel Maritimes & Northeast et Alliance ont été approuvés et construits en tant que projets de terre inculte entre le milieu des années 1980 et 2000, sans qu’ait eu lieu la controverse intense à laquelle font face les projets de pipeline actuels. On compte quelque 15 procédures judiciaires contestant les décisions de l’Office national de l’énergie (ONE) et celle du gouverneur en conseil. En avril dernier, l’ONE a pris la décision sans précédent d’afficher sur son site web un tableau visant à aider les parties intéressées à suivre l’état de ces contestations.

Ces contestations ont soulevé des enjeux fondamentaux, notamment la validité de la position de l’ONE de ne pas tenir compte des effets des changements climatiques en amont et en aval des projets de pipeline sur lesquels il a compétence. D’autres enjeux concernent les restrictions du droit de participer aux audiences de l’ONE qui ont été introduites en 2012 et prépondérance fédérale de la compétence relative aux pipelines de l’ONE sur l’autorité des gouvernements locaux. L’issue judiciaire de chacun de ces enjeux sera décisive pour les projets actuellement devant l’ONE et pour les projets d’infrastructure énergétique à venir.

Laisser un commentaire