Éditorial

La controverse et la complexité entourant l’environnement juridique et politique actuel de la réglementation de l’énergie prennent de plus en plus d’importance. Cette situation se reflète dans plusieurs commentaires de ce quatrième numéro  de la Publication trimestrielle sur la réglementation de l’énergie, particulièrement ceux concernant les thèmes très répandus des droits autochtones et de l’évaluation environnementale.

Nigel Bankes commente l’approbation du gouvernement fédéral pour le projet Northern Gateway d’Endbridge. Il signale que le Rapport de la commission d’examen conjoint1, qui recommande l’approbation du projet assujettie à 209 conditions, fait l’objet de cinq demandes d’examen judiciaire. En outre, le Décret en conseil qui ordonne à l’Office national de l’énergie (ONÉ) d’accorder des certificats d’utilité publique pour le projet est à la base de neuf autres demandes en vertu de l’article 55 de la Loi de l’Office national de l’énergie2. Cette dernière mettra à l’épreuve les responsabilités du Gouverneur en conseil au moment de prendre une décision sur les recommandations de l’ONÉ pour l’approbation des projets de pipeline fédéraux en vertu de la Loi sur l’ONÉ telle que modifiée en 2012.

Le rapport de Bankes sur les contestations de la décision Northern Gateway doit être pris en considération, de concert avec le commentaire de Terri-Lee Oleniuk, Jennifer Fairfax et Patrick G. Welsh concernant la décision de la Cour fédérale du Canada de révoquer la licence émise à Ontario Power Generation l’autorisant à construire de nouvelles unités de génération d’électricité nucléaire à la centrale nucléaire de Darlington. La Cour a ordonné que l’évaluation environnementale (EE) en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale soit renvoyée devant la commission appropriée pour un examen approfondi, y compris l’examen de certains « écarts » dans l’analyse entreprise au cours de l’EE.

En plus de ces commentaires sur des projets précis, Richard King, Sylvain Lussier et Jeremy Barretto ont commenté la récente décision de Tsilhqot’in de la Cour suprême du Canada sur le titre ancestral3. Ils ont noté que l’on a fait référence à cette décision de bien des façons : une décision « historique », qui « change la donne » ou un « jalon ». Leur conclusion : « Une décision historique? Oui. Qui change la donne?  Pas nécessairement ».

Entre-temps, des contestations des décisions réglementaires sur d’autres raisons substantielles et motifs de procédure sont toujours en cours. Gordon Kaiser commente deux appels devant la Cour suprême du Canada concernant des décisions de la Commission de l’énergie de l’Ontario et de l’Alberta Energy and Utilities Board touchant la doctrine de prudence. Jim

Smellie examine la décision sur l’aliénation des actifs de l’Alberta Utilities Commission. Nigel Bankes commente sur ce qu’il croit probablement être la première d’un grand nombre de contestations en matière de procédure dans le litige « très contesté » entre l’Alberta Market Surveillance Administrator et TransAlta, qui concerne de sérieuses accusations de manipulation du marché.

À la lumière des nombreuses contestations et de leur portée présentées dans ces commentaires, il faut se demander si, aujourd’hui, une décision réglementaire est en mesure d’éviter un examen judiciaire ou des contestations en matière de procédure. Comme il est noté, de nombreuses contestations tournent autour de l’évaluation environnementale et des droits autochtones, auxquels il faut ajouter la question connexe de la participation au processus réglementaire. Il s’agit de problèmes complexes et leur importance sur une grande partie du processus réglementaire n’est pas sur le point de diminuer.

Comme il en a été question dans l’éditorial du troisième numéro de la Publication, il y a encore d’autres contestations à venir concernant les développements technologiques qui évoluent. L’article d’Hugo Schotman, Les réseaux intelligents: une perspective européenne de la réglementation, présente un aperçu de la méthode suivie par le Conseil des régulateurs européens de l’énergie pour un tel développement.

Dans cet environnement dynamique, on peut être tenté de penser que l’on fait face à un nouveau monde en matière de réglementation énergétique dans lequel les choses sont vraiment différentes de ce qu’elles étaient par le passé. Il est clair que la réglementation de l’énergie a été lancée en plein cœur de l’arène politique et juridique à un niveau sans précédent. Les demandes sur le système ainsi que les attentes par rapport à ce dernier présentent des défis de plus en plus complexes et un grand nombre de personnes ajouteraient une plus grande incertitude réglementaire. À de nombreux égards, le monde de la réglementation de l’énergie est différent dans l’environnement d’aujourd’hui, et certains observateurs mettent en doute le rôle des régulateurs.

Par rapport à ce contexte, on peut trouver un certain réconfort en lisant l’article à la une de Gaétan Caron, l’ex-président récemment retraité de l’Office national de l’énergie, qui raconte ses 35 années de carrière au sein de l’Office : Réglementation énergétique fédérale au Canada : se préparer pour l’avenir : que peut-on apprendre du passé? M. Caron s’est joint à l’Office à titre d’ingénieur junior en 1979 et il a gravi les échelons pour occuper différents postes de direction avant d’être nommé président-directeur général de l’Office.

M. Caron mentionne que la manière dont les Canadiens interagissent avec l’ONÉ est le plus grand changement survenu au cours de sa carrière de 35 ans au sein de l’Office. Toutefois, sa conclusion globale est peut-être surprenante (y compris pour lui-même) et elle vaut la peine d’être répétée :

J’ai commencé la rédaction de cet article en espérant montrer l’évolution de la réglementation énergétique fédérale comparativement à ce qu’elle était il y a 35 ans. Même s’il existe quelques différences, selon moi, l’essence de la réglementation, ses avantages pour la société canadienne, les valeurs qui la soutiennent et les principes qui constituent sa fondation n’ont pas changé en 35 ans, et ne devraient pas changer dans un avenir proche. Il est donc de bon augure pour l’avenir des déterminations de l’intérêt public et pour l’intérêt public canadien.

Que l’on soit d’accord ou non avec cette conclusion, la communauté de la réglementation énergétique doit trouver un certain réconfort dans le fait qu’il y a généralement un avantage durable sous-jacent pour la société à tirer d’une réglementation fondée sur des principes solides.

  1. Le Rapport de la commission d’examen conjoint a fait l’objet d’un commentaire dans le troisième numéro de  la Publication.
  2. LRC 1985, c N-7 (telle que modifiée) (Loi sur l’ONÉ). L’ONÉ a depuis émis les certificats.
  3. Nation Tsilhqot’in c Colombie-Britannique, 2014 CSC 44.

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